ModCo au micro de LearnEnjoy

Notre cofondatrice, Hélène Azevedo était l’invitée de Anne-Marie Cuinier, animatrice du PodCast LearnEnjoy pour expliquer comment il est possible aujourd’hui d’utiliser le smartphone comme outil pédagogique.

Voici la retranscription de cette discussion en Anne-Marie Cuinier et Hélène Azevedo.

 

Peux-tu nous présenter rapidement ton parcours ?


J’ai un parcours assez standard pour la responsable marketing que je suis : j’ai fait une école de commerce avec une année et demie de césure aux Pays-Bas, qui a été vraiment un tremplin pour moi. J’y ai vécu pendant 8 ans et j’ai eu des responsabilités européennes, qui m’ont conduit à voyager très tôt aux États-Unis et en Europe.
J’ai quitté le salariat en 2018 pour trouver un meilleur équilibre entre mes responsabilités professionnelles et mon rôle de mère de famille. J’ai surtout profité de ce changement pour reprendre mes études. J’ai démarré un MBA en marketing digital qui m’a amené vers le secteur de l’éducation. En travaillant sur une Masterclass autour de la digitalisation de l’enseignement scolaire, j’ai découvert une motivation extrême à vouloir changer les choses. J’ai donc passé 13 mois à préparer une thèse professionnelle sur l’impact de l’usage des technologies dans le métier d’enseignant. Cette thèse m’a conduit à rencontrer Sylvie en 2020, avec laquelle je me suis associée pour cofonder ModCo.

 

Les smartphones sont omniprésents dans nos vies, et encore plus dans celle des adolescents. Est-ce que tu penses qu’il est possible d’en faire un outil d’apprentissage ?

 

Plus de 90% de la population mondiale a un smartphone. Un petit outil bien plus puissant que le premier ordinateur lorsque j’étais moi au collège (et pour un prix exorbitant pour mes parents). On s’en sert pour téléphoner, pour communiquer, pour s’informer. Si je me prends pour exemple, j’utilise quotidiennement mon smartphone pour travailler : dans les transports j’accède à des fichiers, j’y ai des outils de communication, d’information, je prépare mes réunions. Au bureau, je téléphone bien sûr avec (car j’y ai tous mes contacts personnels et professionnels). Alors dans cette idée, je ne peux que voir ce smartphone comme un outil d’apprentissage pour les ado.

Par contre, il y a des risques, tout comme d’avoir son permis de conduire : on peut avoir un accident. Est-ce qu’il faut du coup éviter de prendre sa voiture. Non, il faut encourager une attitude responsable : pas d’alcool, pas de smartphone au volant, etc. Je lis trop d’articles et de témoignages qui diabolisent le numérique et les technologies. Il faut vivre avec son temps et exploiter l’innovation pour tous les biens qu’elle nous offre, en tenant compte des risques pour les contourner, mais pas interdire. 

Est-ce que tu as quelques exemples à nous donner de l’utilisation du smartphone comme outil d’apprentissage ?

 

Les usages pédagogiques du smartphone peuvent être divers et variés mais ils sont intéressants quand ils exploitent la raison d’être d’un téléphone : sa taille, practicité, instantanéité, disponibilité. Donc en classe, nous avons pu voir plusieurs usages :

  • Organiser des quiz, qui ont plusieurs avantages : ils permettent de valider les acquis, d’identifier les points nécessaires à réexpliquer, d’expérimenter le tout de manière tellement ludique qu’on n’a pas l’impression d’apprendre. Tout l’intérêt de la gamification qui est tellement appréciée par les jeunes générations. 
  • Partager un contenu (vidéo, audio, site web) : aborder d’une autre manière et sous une autre forme un sujet traité par l’enseignant. Ce partage peut se faire en petit groupe ou de manière individuelle pour ensuite en parler en classe.
  • Faire des recherches sur internet ou bien vérifier des informations
  • Accéder aux dictionnaires en ligne, aux sites de contenus tels que Youtube, ou à des manuels scolaires en ligne etc.
  • S’enregistrer en cours de langues ou bien faire de courtes vidéos de présentation pour un exposé. 
  • Pour les outils pratiques du téléphone, tels que la calculatrice, le dictaphone, les autres capteurs de mesure désormais disponibles sur cet outil

En tout cas, les professeurs apprécient l’instantanéité permise par cet outil dans tous établissements et lieux, sans avoir besoin de réserver une salle informatique ou bien la mallette de tablettes.

Comment peut-on concilier l’intérêt du portable en tant qu’outil pédagogique et son contrôle pour éviter une perturbation du cours ?

 

Il est certain que les outils numériques et plus particulièrement le smartphone peuvent être perturbants. Nous sommes constamment sollicités par des notifications de tout genre d’entreprises qui évoluent dans ce qu’on appelle l’économie de l’attention. On ajoute à cela une touche de peur de rater quelque chose (ce qu’on appelle le FOMO) et on obtient des attitudes qui nous enferment dans nos smartphones.

Le grand problème des adolescents (mais pas que) c’est de garder une distance avec son téléphone. De ne pas devoir le regarder 221 fois par jour, comme c’est malheureusement le cas aujourd’hui. Alors comment fait-on pour s’assurer que si on l’autorise en classe, les élèves ne se distraient pas.

Tout d’abord, il convient de rappeler, que selon les enseignants interrogés qui l’autorisent en cours, les téléphones personnels ne dérangent pas la classe. Je pense sincèrement que dans ces classes un respect mutuel existe qui incite l’ensemble des individus à suivre ces règles de bonne conduite instaurées par le professeur et elles sont variées :

  • toutes les notifications sont désactivées
  • le son est coupé
  • le téléphone est utilisé uniquement si le professeur le demande pour des usages pédagogiques
  • le téléphone portable est posé, côté face

Est-ce que tu penses qu’il y a une différence entre l’aisance numérique des jeunes et l’usage numérique ?

 

Comme pour chaque objet qu’on met entre les mains de nos enfants, il convient d’expliquer le cadre de son usage. Quand on donne le premier feutre à un enfant, on lui explique qu’il faut dessiner sur la feuille et pas sur les murs. Or, une majorité de collégiens se voient offrir un smartphone pour leur passage en 6ème sans cadre. Cette génération est certes nommée de Digital Natives, car elle est née à l’ère d’internet, mais en aucun cas on doit considérer qu’elle sait l’utiliser correctement. Ces élèves auront sûrement gagner des automatismes d’usages et en confiance mais ils sont tout de même peu nombreux à savoir ce qu’est le RGPD, ou les conséquences légales au partage de photos, à l’importance de vérifier les informations et données sur les réseaux sociaux, ni même du rôle des algorithmes dans les usages numériques. Bref, oui il est essentiel de les éduquer au numérique dans sa globalité, c’est un enjeu sociétal critique pour l’humanité, et je pèse mes mots.

Tu travailles actuellement au développement d’une application à usage pédagogique pour les élèves des collèges, est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?

 

Depuis Septembre 2020, je travaille avec mon associée Sylvie Audrain sur la création d’une solution numérique pour sécuriser l’usage pédagogique des smartphones au collège.

En parlant avec les établissements, on s’est rendu compte que le manque d’équipements était malheureusement un fait réel depuis plus de 40 ans, auxquels n’ont pas pallié les plans numériques.  Or la société actuelle requiert que nous enseignions pour et par le numérique (c’est d’ailleurs dans le programme). Les collèges ne sont pas tous équipés équitablement sur le territoire mais les collégiens le sont, à 90%. Donc le parti pris de ModCo est d’exploiter cet outil pour permettre un accès véritable au numérique pédagogique. Les intérêts sont nombreux : 

  • financier : on a parlé des plans numériques qui ont coûté plusieurs millions d’euros à la société et qui n’ont eu qu’un impact très limité (géographiquement)
  • écologique : pourquoi acheter (donc produire) de nouveaux équipements s’ils sont disponibles dans les poches des élèves ?
  • sociétal et c’est ça notre mission de cœur : responsabiliser les collégiens à un usage raisonné de leur téléphone, en apportant un cadre, le Mode Collège.

Comme on se met en mode avion pour voyager, et bien on vous propose avec ModCo d’entrer au collège (après au lycée) dans le mode Collège.

Le mode collège permet aux collégiens d’accéder avec son cher outil personnel à du contenu que lui propose le professeur : un quiz, une lecture de vidéo, une recherche d’information, tous les usages que nous avons évoqués précédemment. Tous les usages sont possibles finalement, l’intérêt est surtout de trouver ceux qui sont le plus appropriés à cet outil qui est petit, interactif, personnel.

Le mode collège ne bride pas le téléphone, mais il analyse la connexion et la déconnexion de l’élève. Si le collégien sort de ModCo, on analyse cette sortie. Et c’est dans cet aspect qu’on se différencie du contrôle parental : on n’interdit pas, mais on responsabilise le collégien afin qu’il apprenne par lui-même les attitudes numériques à avoir en classe. Et cela passe par l’information, la pédagogie et la communication.

Coté professeur et autres acteurs de l’établissement, ModCo se traduit par une solution numérique qui a plusieurs intérêts : 

  • Connaître les élèves connectés à un instant T à ModCo. On s’assure ainsi qu’ils ne sont pas en train de faire autre chose avec le téléphone. Les collégiens l’affirment : même si la tendance est à l’interdiction des smartphones aux collèges, ils l’utilisent en cachette, et seuls les moins prudents  se font prendre.
  • Accès simple, rapide au numérique. Tous les professeurs peuvent donc enseigner avec et pour le numérique ; plus besoin de réserver la salle informatique, la mallette informatique, de vérifier si les mises à jour sont faites, si l’équipement est exploitable. Bref, ModCo enlève un poids logistique important.
  • Partager avec leurs élèves des contenus complémentaires. Internet est une mine d’or et les enseignants ont été les premiers professionnels à l’exploiter pour leur métier. Avec ModCo, les professeurs poussent simplement et au moment qu’ils le souhaitent le contenu qu’ils ont identifié pour leur session.

La vision de ModCo n’est donc pas de pousser les professeurs ou  les collégiens à être constamment sur le téléphone, non ! Notre démarche est d’exploiter cet équipement quand il est pertinent pour l’apprentissage.

Aujourd’hui nous travaillons sur 2 expérimentations, en Bretagne et en Nouvelle Aquitaine, pour s’assurer que notre solution s’intègre naturellement au quotidien du collège sans difficulté pour personne. Notre objectif est de lancer une vingtaine de tests d’ici la fin de l’année et d’identifier avec nos utilisateurs les fonctionnalités à déployer à court et moyen terme.

Certaines écoles interdisent encore les téléphones dans les établissements, qu’en penses-tu ?

 

Selon les premiers résultats de notre étude, l’interdiction des téléphones est courante dans les établissements. C’est vrai que le texte de loi de 2018 (n° 2018-689) peut sembler interdire le smartphone mais ce n’est pas le cas : il indique que l’utilisation est interdite dans les établissements à l’exception notamment des usages pédagogiques stipulés dans le règlement intérieur.

Au-delà du cadre juridique, je pense qu’il est intéressant et important pour l’avenir de nos enfants de mettre à jour nos pratiques pédagogiques et d’y inclure des usages nouveaux souvent numériques  afin de mieux servir l’apprentissage des enfants. A titre personnel, j’ai publié une thèse professionnelle qui retrace plus de 13 mois de travail de lecture, de rencontre et d’analyse de l’usage des technologies par les enseignants. Et j’ai été émerveillée par l’innovation pédagogique de nombreux enseignants : le développement du langage grâce à la robotique en CE2, le perfectionnement de l’écriture, de l’esprit critique à travers le partenariat entre wikipédia et une classe de CM2. Les professeurs à l’initiative de ces projets m’ont certes avoué que le démarrage est parfois compliqué, car les élèves sont dissipés, mais rapidement un dynamisme de groupe se crée où les élèves, quels qu’ils soient, sont engagés à 100% dans leur apprentissage. Et c’est ça que nous devrions viser : donner envie aux élèves cette envie d’apprendre. La curiosité, la persévérance, l’expérimentation sont des soft skills qui s’apprennent et se cultivent. Les outils numériques, tels que les smartphones, sont un réel canal pédagogique lorsque bien utilisé.